STRATEGIE DE MARQUE EN ENTREPRISES
Process et méthodologie : faux jumeaux !

En ces temps verrouillés par des règles strictes et une obsession outrancière de sécurisation, force est de constater que peu de place est encore laissée à l’intuition, au « feeling » bref à une certaine forme d’intelligence… humaine au profit des sacro-saints process. Cette volonté de diminuer voire d’éliminer tout élément aléatoire afin de garantir la réussite est certes louable mais est-ce vraiment la panacée ?

Les métiers de la Communication et du Branding n’échappent pas à cette tendance qui renforce l’image professionnelle des agences et rassure les clients mais à force d’abuser de data, de statistiques, d’algorithmes et surtout de mal s’en servir, ne risquons-nous pas de tuer toute opportunité de différentiation pour les marques voire toute opportunité tout court à plus long terme pour les entreprises et leurs images ?

David Ogilvy se posait déjà la question à sa façon : « Je remarque que les responsables marketing répugnent de plus en plus à utiliser leurs facultés de jugement. Ils en arrivent à se reposer beaucoup trop sur les résultats des études, comme un ivrogne se sert d’un lampadaire pour se soutenir et non pas pour pour la lumière qu’il donne ».

Au-delà de l’humour typiquement « british » de celui qui fut l’un des visionnaires de la « pub », il y a un questionnement global sur l’évolution actuelle des entreprises et la cohorte de process qui régissent leur communication.

Les risques pour les entreprises
et leurs marques

La prise de risque n’est-elle pas le sel même des marques, entre relevance et différentiation ? Une analyse stricto sensu des chiffres et un suivi aveugle de ces lignes de conduite ne risquent-ils pas de tuer dans l’oeuf toute initiative fondatrice et créative ?

Selon Christian Monjou, brillant expert en analyse managériale à travers l'art, le risque est là : «Ce n’est plus le process, vecteur d’énergie, qui est au service de la communauté entrepreneuriale, mais c’est l’entreprise qui est au service du process. Et le jour où l’entreprise devient l’esclave du process, elle est morte en tant que telle. C’est le grand danger pour toutes les structures où le bureaucratique remplace l’entrepreneurial.» 

Le process impose
un sens de fonctionnement mais
ne donne aucun sens au fonctionnement

Les process ne sont en fait qu’une somme de « gestes répétitifs », voire au pire de tocs compulsifs, imposés par discipline au nom du bien-être, de la sécurité et de la réussite collective. Ceux qui les appliquent ont tendance à perdre alors tout sens des responsabilités, toute réflexion, … 

Faut-il pour autant se priver de toute méthode au coeur des entreprises et de leur démarche communicationnelle ? Non bien évidemment car elles sont une source dynamique essentielle à leur construction et leur évolution. Et c’est là toute la différence entre Process et Méthodologie : le Process pousse à la standardisation et réduit la vision, la Méthodologie est une base de réflexion puissante qui ouvre tous les possibles. 

La méthodologie pose
des questions essentielles à la
construction d’une marque

Une stratégie de marque se construit sur une méthodologie précise et complète, un scan de la situation qui ouvre une réflexion en profondeur sur sa pertinence et son expression. 

Le mot méthode vient du grec ancien μέθοδος (du grec methodos, de hodos, chemin, voyage) qui signifie la poursuite ou la recherche d'une voie pour réaliser quelque chose. Il faut donc oser l’exploration au fil d’une suite logique de questions ouvertes et pertinentes, dictées par l’expérience, le savoir et la maîtrise. Cette audace maîtrisée est la base de la réussite dans tous les métiers de la communication et particulièrement en construction de marques.

D’un côté une impression de sécurité, de l’autre le début d’un prometteur mais plus hasardeux voyage. Dans une économie sous pression où la chose primordiale est le retour sur investissement, le choix semble évident. Mais pensez-vous que des marques comme Apple, Ikea ou Tesla se soient construites uniquement sur base d’algorithmes et de process rassurants ou avant tout sur des visions novatrices risquées ? 

Où nous mèneront les process ? 

Au coeur de l’inconscient des consommateurs si l’on en croit les adeptes de la neuroscience, par une analyse scientifique sans ambiguïté, sans marge d’erreurs.

Jusqu’à présent le Marketing et le Branding se sont concentrés sur la compréhension et l’influence des processus conscients identifiés des consommateurs mais le neuromarketing se targue désormais de pouvoir percer le mystère des processus inconscients, des stimuli et des « données » qui s’y cachent. Bref, le process de vérité mécanique ultime… mais réducteur ?

Il conviendra en tout cas de considérer ces process et les informations récoltées non comme une fin en soi mais une base permettant de mieux affiner les univers différentiants des marques.

L’avenir des experts
en identité de marque…

L’essence même de cette expertise ne changera sans doute pas fondamentalement mais la nature et la quantité de données à intégrer dans la réflexion vont rendre le défi encore plus passionnant et complexe.

Au bout d’un chemin balisé d’analyses de database plus riches, d’algorithmes plus complexes voire nébuleux, de révolutions neuroscientifiques, d’un relationnel clients toujours plus morcelé et diversifié, il conviendra toujours de se poser les bonnes questions afin de « simplexifier », de donner du sens aux marques face aux enjeux contemporains et de susciter l’émotion qui fera au final la différence. 

Mais dans ce maelström communicationnel, qui aura le dernier mot au moment de faire les choix ? Le monde des entreprises et des marques de demain sera-t-il imaginé par une intelligence artificielle « algorithmée » parfaitement robotisée ou la touche finale restera-t-elle l’apanage de l’insoutenable légèreté de l’intelligence humaine ?

 

Sources d’inspiration : Olivia de Funès et son livre « Socrate au pays des process »; Christian Monjou et sa conférence « Art & Leadership » au Mudam Luxembourg le 13/04/2021.